QPV#10 Sexisme

Cette enquête a été adressée le 16 oct. 2018 aux étudiants francophones du programme Grande École. Un grand merci aux 705 votants. Pour information, le formulaire-type est disponible ici.

Nous remercions également très sincèrement les 11 étudiants ayant accepté de nous livrer leur témoignage sur la question du sexisme.

Quelques chiffres à retenir pour briller en société

  • A HEC, 41% des hommes se disent féministes, contre 79% des femmes. Dans féminisme, y a « fémin ».
  • Parmi les étudiants du panel, 7 filles sur 10 pensent qu’on n’en fait pas assez pour lutter contre les stéréotypes de genre, contre 4 garçons sur 10. En même temps, les voitures c’est plus fun que les poupées.
  • 41% des hommes sondés pensent que « laisser les mentalités évoluer avec leur temps » est un des trois meilleurs moyens proposés pour accroitre l’égalité des genres en France, contre 15% des femmes. Immobilisme.
  • 80% des femmes du panel trouvent les traditions à HEC sexistes ou très sexistes, contre 62% des hommes.
  • 12% des filles ont déjà subi au sein de HEC des mains baladeuses sur des parties intimes (poitrine, fesse, sexe).
  • Les clubs de sport masculins sont désignés par le panel comme le principal vecteur du sexisme à HEC (55%), devant certaines assos ayant provoqué un scandale sexiste l’an dernier (Zinc, Videcom notamment), l’enfermement dans l’entresoi campusard, et l’éducation reçue[note]QPVHEC regrette le faible nombre de choix disponibles à cette question, certains facteurs comme le rôle de l’alcool ayant été omis par nos soins.[/note].
  • Les filles de L3 sont nettement moins promptes à désigner le Club Foot et le RCH (rugby masculin) comme un des principaux vecteurs du sexisme que les M1 et VM (écart de 15 points). Deuxième chance ?

Résultats détaillés

Par genre

Nous rappelons que – comme pour tous nos sondages – les échelles de satisfaction vont de 1 à 5. Par conséquent, la moyenne n’est pas à 2,5/5 mais à 3/5.

Échantillon : 358 femmes, 323 hommes.

 

Par genre et par année d’études

Échantillon :

  • Femmes : 87 L3, 123 M1, 92 VM, 56 M2
  • Hommes : 94 L3, 110 M1, 66 VM, 53 M2

 

Analyse générale

Les résultats décrivent clairement la perception par le campus d’un sexisme latent à HEC. Plusieurs questions émergent alors : qui est sexiste ? Le campus ? Les traditions ? Les étudiants ? Comment se révèle ce sexisme, et quelles en sont les causes ? Autant de questions auxquelles l’équipe de QPVHEC va tenter de répondre dans cette analyse par les chiffres, en essayant au maximum de rester impartiale.

Dans un souci réel d’impartialité, l’équipe de QPVHEC a également demandé via Facebook à qui le voulait de contribuer à l’article en rédigeant un court texte anonyme sur sa perception de la présence – ou de l’absence – de sexisme à HEC, et ses causes, le cas échéant. Vous retrouverez tous les témoignages qui nous ont été proposés à la fin de l’analyse.

Une autre question importante se pose : le problème du sexisme, particulièrement flagrant avec certains scandales de l’an dernier, est-il en cours de résolution ? L’étude de la corrélation avec l’année d’études du répondant plus bas nous aidera peut-être à mieux comprendre tout cela.

1. Les étudiants de HEC sont-ils plus sexistes qu’en moyenne en France ?

Dans l’ensemble de ce paragraphe, QPVHEC s’attelle à comparer ses résultats obtenus à HEC avec les résultats obtenus par Harris Interactive dans un sondage effectué en octobre 2014, disponibles ici.

En résumé, à HEC, les filles sont assez nettement plus sensibles aux causes féministes qu’en moyenne en France. Quant aux garçons, ils ne sont ni plus féministes, ni moins féministes que la moyenne nationale, ce qui est assez surprenant étant donné que la population à HEC est évidemment nettement plus jeune en moyenne qu’en France, aussi aurait-on raisonnablement pu s’attendre à ce qu’elle soit plus tendre avec la cause féministe.

  • Typiquement, 58% des garçons à HEC ne se disent pas féministes, soit exactement la même proportion que sur la France entière. Néanmoins, au sein des deux sous-groupes des garçons – féministes et non-féministes – les garçons sont plus féministes qu’en moyenne : par exemple, 20% des sondés confessent être très féministes, contre 8% à l’échelle nationale. De plus, 93% des hommes sondés disent croire en l’égalité homme-femme, soit une majorité écrasante.
  • Pour les femmes, la différence avec l’échelle nationale est sans commune mesure : 79% des étudiantes se disent féministes, contre 58% des femmes en moyenne. Plus éloquent encore : 12% des Françaises se disent très féministes, alors que ce chiffre monte à 53% pour les étudiantes d’HEC[note]On compare là les deux réponses extrêmes proposées par les deux questions, et même si la formulation entre les deux propositions de réponses diffère, l’écart est tel qu’il reste à notre sens significatif[/note].

Les deux autres questions empruntées au sondage de Harris confirment ce constat : si à HEC 20% des gens pensent que les féministes ne nuisent pas du tout à l’image des femmes et 10% qu’elles y nuisent beaucoup contre respectivement 10% et 16%, le différentiel est surtout porté par la belle cote de popularité des féministes auprès des étudiantes. En ne prenant en compte que les hommes, il n’y a pratiquement pas d’écart entre les résultats nationaux (57% des hommes pensent que les féministes nuisent un peu ou beaucoup à l’image des femmes contre 55% des HEC qui se prononcent sur la question). Le constat est identique pour la question sur les stéréotypes de genre (51% des HEC s’exprimant sur la question pensent qu’on n’en fait pas assez en France pour lutter contre les stéréotypes de genre, contre 53% des Français).

Parmi les autres questions posées sur la perception du féminisme, la différence entre les votes masculins et féminins est à chaque fois flagrante, et – à l’exception de la pénalisation du harcèlement de rue, quasi unanimement louée (par 70% des garçons et 84% des filles) – les résultats vont plutôt à l’encontre des différentes formes de féminisme pratiquées aujourd’hui : les associations militantes féministes non-mixtes sont critiquées par les femmes (65% d’opinions négatives) comme par les hommes (72%), typiquement. Les avis sur le mouvement #MeToo sont mitigés, et si peu de HEC l’ont trouvé inutile (14% d’hommes et 2% de femmes), la réponse la plus choisie par les HEC décrie les « débordements » de ce hashtag.

Quant à la question sur la discrimination contre les hommes via l’organisation de women events, elle recueille fort logiquement les foudres de ceux qui y perdent, et les louanges de celles qui y gagnent.

En fait, la mentalité générale est bien résumée par la question sur les meilleurs moyens d’accroitre l’égalité des genres en France : les hommes semblent reconnaître l’existence d’un problème de sexisme en France (sauf 4% d’entre eux), mais croient en une action soft (sensibilisation individuelle), voire en l’absence d’action et en le « laissons-aller » (41% contre 15% des filles), alors que les femmes approuvent plus fréquemment des modes d’encouragement du féminisme plus directs ou durs : les associations féministes, une action étatique et une pénalisation plus importante des actes sexistes sont comparativement nettement plus plébiscitées par celles-ci (entre 10 et 15 points de plus que chez les hommes). En fait, ce n’est pas que les hommes soient sexistes de manière revendiquée à HEC, mais plutôt que les hommes sont nombreux à ne pas se sentir réellement concernés par la cause féministe, malgré l’existence d’une frange féministe très convaincue.

De la corrélation sur l’année d’études, l’on remarque que les M2 semblent significativement plus féministes que leurs benjamins. Une explication très simple à cet état de faits est le faible effectif des M2, qui implique la possibilité d’un biais de motivation : seuls les plus concernés des M2 se seraient risqués à répondre aux quinze traditionnelles questions. Néanmoins, d’autres facteurs pourraient avoir eu un rôle majeur dans cette différence : l’éloignement du campus, la sortie de l’entre-soi campusard et la fin de l’identification à des associations notamment, couplés à une prise de recul lors de la césure.

Ainsi, on observe un campus constitué d’une proportion significativement plus importante de féministes convaincues parmi les filles, alors que le profil-type de l’homme à HEC est très ressemblant au profil-type Français malgré une proportion légèrement plus importante de féministes convaincus.

2. Le campus de HEC est-il sexiste ?

Un campus où les personnes ne croyant pas en l’égalité hommes-femmes sont archi-minoritaires peut-il être perçu comme sexiste ? Il faut croire que oui.

Dans un contexte où seuls 4% de ses élèves ne croient pas en l’égalité hommes/femmes, HEC demeure perçu comme assez profondément sexiste : il n’est considéré plutôt ou très égalitaire par rapport au genre que par 15% des filles sondées et 28% des hommes interrogés, tranchant ainsi avec un milieu d’origine souvent considéré comme assez égalitaire par rapport au genre (par 74% des sondés).

3. Quelles sont les causes de la perception d’un sexisme campusard ?

Les causes de cette situation sont nombreuses.

D’abord, il y a les traditions, dénoncées unanimement ou presque par les garçons comme par les filles à HEC. Evidemment, les filles, dont on a vu qu’elles étaient plus sensibles à la thématique féministe et qui sont les principales victimes, sont les plus critiques vis-à-vis des traditions (7% les trouvent égalitaires ou plutôt égalitaires, contre 17% chez les hommes). Ces traditions jouent un rôle majeur dans le sexisme sur le campus, comme l’atteste la corrélation hors-norme (67%) entre la question du sexisme du campus et des traditions[note]Si on ne peut pas rigoureusement en tirer un lien de cause à effet, l’hypothèse semble quand même largement tenir la route.[/note].

A HEC, qui dit tradition dit bien souvent sport ou intégration. Sur l’intégration, la seule question posée concerne les chants à inventer et chanter notamment durant l’inté (mais aussi durant les BABs). Si ceux-ci n’ont pas l’air de déranger outre-mesure les garçons (62% ne les trouvent pas graves) bien que certaines paroles soient crues (« Petite salope je te finis dans la grange »), le constat est plus mitigé chez les filles, très nombreuses à s’être déclarées neutres sur la question. Au total, rien d’assez grave pour expliquer la violence de la désapprobation des traditions.

Au-delà de ces chants, les traces de sexisme que le rédacteur a empiriquement constatées concernent principalement le jeu d’inté de Videcom (boycotté par beaucoup) et le film sur l’intégration fait par l’association, qui avait provoqué un vrai tollé l’an passé et mené à des conseils de discipline pour certains responsables. Cette année, l’association de vidéo la plus dark du campus n’a pas fait parler d’elle, dans un contexte où les TVH 2 et 3 de l’an dernier ont été très adoucis par rapport à celui qui avait fait scandale.

Les traditions de l’inté n’ont pas causé de véritable scandale cette année, mais cela n’a pas pour autant bouleversé la perception des traditions : en effet, les L3 fraîchement arrivés restent tout de même 65% à dénoncer leur caractère sexiste. Autrement dit, même sans scandale majeur, les L3 trouvent les traditions extrêmement sexistes à HEC.

Tournons-nous donc vers l’autre domaine à HEC dans lequel les traditions jouent un rôle prépondérant : le sport. Catégorisées comme le vecteur principal du sexisme à HEC par le panel, les associations de sport masculines sont un terreau du sexisme à HEC. Les causes en sont nombreuses, et évidemment, le Club Foot et le RCH en tant que clubs de sport n’ont rien à voir avec la question du sexisme. Le faible pourcentage de garçons ne pensant pas qu’hommes et femmes sont égaux laisse aussi présager qu’individuellement, peu de membres de ces clubs sont ouvertement sexistes. Le problème semble se situer dans un extrasportif protubérant parmi ces clubs, et dans un effet grégaire massif inhérent au concept même d’équipe.

Il y a d’une part les traditions de ces clubs, fondées sur le respect des 2A et des traditions, qui rend ces clubs virtuellement très peu flexibles, et fait qu’il est difficile de convaincre tout le club de supprimer la moindre coutume sexiste. Néanmoins, celles-ci semblent commencer à changer : le sketch du Club Foot a notamment été adouci cette année, et la tradition dite des « chattes fraiches » (cf. témoignages) a été définitivement supprimée. Ce sont potentiellement ces traditions sportives que les sondés décrient et décrivent comme sexistes, même si la question ne nous permet pas d’en avoir le coeur net. Cela expliquerait que les L3, notamment les filles, trouvent les traditions à HEC moins sexistes que les M1, dès lors que certaines des traditions sexistes ou menant à du sexisme ont disparu.

Cela expliquerait aussi que les filles de L3 dénoncent nettement moins les clubs de sports masculins comme vecteurs du sexisme à HEC que leurs ainées : les traditions les plus sexistes ayant disparu, il est raisonnable de penser qu’une partie des filles n’en a pas eu vent et ne considère dès lors pas que le RCH et le CF soient d’importants vecteurs du sexisme. Néanmoins, la situation reste très préoccupante, avec 54% des L3 qui considèrent que ces deux clubs engendrent une bonne partie du sexisme à HEC.

Fait surprenant, a contrario, les M1 et VM garçons sont moins nombreux que les L3 à penser que le CF et le RCH soient d’importants vecteurs du sexisme à HEC, suivant ainsi la tendance inverse de ces dames. Cela est potentiellement explicable par le développement d’un très fort esprit de corps dans ces deux assos rassemblant un grand nombre de garçons dans chaque promotion, rendant ainsi les aînés plus prompts à « défendre » leur club.

De plus, il y a la pression du groupe, d’autant plus forte que le sketch est intense, exacerbée en microcosme, surtout quand il est non-mixte. Les témoignages font état de pressions faites par les aînés pour chopper à tout prix, typiquement. Dans le cadre d’associations aussi renommées socialement que le CF et le RCH, cette pression des aînés vers une chasse à la femme peut être de nature à alimenter une quête de reconnaissance chez certaines recrues, caractérisée par un manque de considération vis-à-vis des femmes du campus, parfois vues comme des proies, et par un sexisme affiché au sein du club, sans pour autant qu’il reflète le véritable avis des concernés.

Enfin, et cet argument ne vaut clairement pas que pour les clubs de sport, il y a l’argument de l’alcool, malencontreusement oublié dans notre questionnaire, qui selon toute évidence, est loin d’améliorer la situation du sexisme sur le campus. Au-delà de la désinhibation corrélative à la consommation d’alcool, l’alcool rend aussi plus influençable, et rend la pression du groupe décrite plus haut d’autant plus préjudiciable et puissante.

L’alcool est d’autant plus pernicieux qu’il est souvent utilisé comme une excuse avec el famoso « ça va, j’ai fait/dit ça mais j’étais bourré », ce qui contribue à une dédramatisation importante des actes sexistes commis.

Au total, le sondage montre que le sexisme sur le campus est très corrélé aux traditions, présentes surtout en période d’inté (semble-t-il plus marginalement) et dans les intégrations dans les clubs de sports. Les traditions des clubs de sport sont difficilement changeables (même si les choses semblent commencer à bouger à la suite de récents scandales) à cause d’un conservatisme certain sur le campus de Jouy, et certaines sont sexistes. Au-delà de cela, il semble que l’ambiance (et non les membres) au sein de ces clubs soit le véhicule principal du sexisme dénoncé par le panel de sondés : le sketch et le respect des 2A et la pression du groupe qui en découle, ainsi que l’enfermement dans une atmosphère non-mixte, et la prépondérance de l’alcool y ont toutes un rôle non négligeable.

Ensuite, le décalage d’une ambiance prépa à une ambiance campus peut avoir un vrai rôle à jouer dans la perception du sexisme, et l’entresoi campusard est par ailleurs pointé du doigt comme le troisième vecteur le plus important du sexisme à HEC, alors même qu’il semble encore beaucoup sous-estimé par les L3 (30% de filles, 35% d’hommes ont opté pour cette réponse parmi les L3, contre respectivement 58% et 45% chez les M1). A force de rester avec les mêmes gens et de côtoyer les mêmes gens, à force d’écouter les « on dit » et de les transférer, l’atmosphère serait rendue plus sexiste. L’on peut notamment penser à la vie amoureuse des femmes sur le campus : on sait par la rumeur qui a chopé qui, parfois même qui a couché avec qui, et cela exacerbe des réactions sexistes contre des filles que beaucoup auront tôt fait de considérer comme « faciles ». Sans l’enfermement sur le campus, ces rumeurs auraient une place beaucoup moins importante dans nos vies, et ce genre de qualificatifs serait vraisemblablement moins fréquent. Cette atmosphère campusarde où la rumeur joue un rôle important contraste avec ce qu’ont connu beaucoup d’élèves en classe préparatoire dans de relativement petites structures, où l’on connaît proportionnellement beaucoup moins de gens de réputation qu’à HEC.

Les préjugés potentiels construits par l’éducation, quatrième et dernière cause significativement considérée par le campus comme vectrice du sexisme, sont désavoués par la perception de chacun de sa propre éducation, considérée par 9% seulement des étudiants comme sexiste. A HEC, quasi personne ne semble donc avoir grandi dans un environnement sexiste, et donc quasi personne n’a pu intérioriser des préjugés sexistes. Notons toutefois que la comparaison entre ces deux questions n’est pas parfaite : quelqu’un de sexiste peut considérer une éducation très genrée comme « assez égalitaire », puisque ses standards en termes de féminisme sont assez bas.

Revenons un instant pour conclure sur les « assos ayant engendré une polémique l’an dernier », typiquement le Zinc (avec le Zinc des Zoulettes) et Videcom, considérées par les hommes comme par les femmes (à égalité avec les clubs de sport masculins pour ces dernières) comme principales vectrices du sexisme. Un point s’impose avant une brève analyse : la formulation de cette question est biaisée par la mention de la « polémique », qui avait pour but d’expliquer aux L3 pourquoi ces deux associations se retrouvaient dans les réponses possibles, ce qui a engendré un fort plébiscite des L3 pour ces deux associations. Néanmoins, parmi les M1 et VM a priori peu biaisés par la formulation puisqu’au courant desdits scandales, 43% des hommes et 58% des femmes citent nommément ces deux associations. Celles-ci auront la charge de prouver dans les années à venir que les polémiques sont de l’ordre du passé et ne se reproduiront pas. Au-delà de ces polémiques, ce sont peut-être aussi les modalités de recrutement que le campus trouve sexistes : se faisant très majoritairement par tradition en interne au RCH et au CF, souvent parmi les membres avec le plus fort esprit de corps et de tradition, ils propulsent souvent dans ces assos des gens qui n’ont pas toujours fait preuve de féminisme.

Dans le cadre du Zinc, la quasi non-mixité (cautionnée par l’administration) est aussi caractérisée comme problématique à l’égard de l’égalité des genres et du sexisme, dès lors qu’elle peut être vécue comme une perte d’opportunité pour les filles et mène à la création d’un environnement quasi non-mixte dont on a vu plus haut qu’il pouvait aboutir à des dérives virilistes.(Même si évidemment la violence n’est pas l’apanage des hommes, elle est favorisée par le virilisme, et explique peut-être le caractère réputé violent des membres du (seul, comme dirait l’autre) bar de HEC lorsqu’ils sont en service : des traditionnels taquets à qui pose son coude sur le bar aux dérives ayant mené à ce que soit cette année frappé un L3 qui avait volé un panneau du Zinc). Au total, 50% des filles trouvent réellement problématique le recrutement quasi non-mixte du Zinc, contre 30% des garçons. A ces arguments, d’aucuns répondront que le Z agit aussi plus discrètement, dans l’ombre, en se chargeant de sortir des personnes bourrées et/ou insistantes, et évite ainsi bien des problèmes au sein de son bar, pour le bien de tous.

Un autre effet indirect est dû au fait que ces associations confèrent un statut social particulier sur le campus, tout comme les postes prisés des bureaux des clubs de sport masculins. Or, comme dit précédemment, ces postes sont plus fréquemment ouverts à des étudiants ayant épousé les traditions du RCH et du CF, dont certaines sont sexistes : il ne s’agit donc logiquement pas de personnes très féministes. Ainsi, des étudiants non-féministes (mais non nécessairement sexistes !) accèdent presque « par tradition » à des postes parmi les postes les plus prestigieux de HEC, à de véritables postes de pouvoir et d’influence à l’échelle du campus. Ces élèves ne croient souvent pas assez en le féminisme pour faire changer les traditions, et leur valeur cardinale est souvent la vie de campus et le respect desdites traditions, ce qui crée là encore un immobilisme dans la situation de l’égalité des genres sur le campus. Pour moi, le problème du sexisme à HEC se situe plus souvent dans un immobilisme indifférent que dans une vraie croyance misogyne profondément ancrée parmi les gens les plus puissants du campus. Quoi qu’il en soit, cette absence relative de féministes convaincus et revendiqués au bureau de certaines assos mène le campus à patauger dans la même ambiance que (force est de constater) beaucoup rejettent pour son sexisme.

4. Comment se manifeste le sexisme ressenti sur le campus ?

Dans cette question, deux corrélations sont frappantes. Il y a d’abord la différence de perception des actes sexistes sur le campus entre les hommes et les femmes. Moins concernés, les hommes semblent minorer nettement le problème comparé aux femmes. 50% des garçons pensent que la fréquence des comportements déplacés est faible ou nulle, contre 31% des filles. Sur la gravité aussi, les garçons et les filles ne sont pas sur la même longueur d’ondes : là où le mode et la médiane chez les garçons sont à 2/5 (faible), ils sont de 3/5 chez les femmes.

Evidemment, cela est explicable par le fait que les hommes sont beaucoup moins touchés par ces comportements, dans un contexte où il est légitime de penser que le tabou joue un rôle prépondérant dans une forme d’omerta sur les faits les plus graves, allant jusqu’au viol ; et que l’habitude a une importance majeure dans la non-communication de comportements déplacés fréquents des filles à leurs amis au chromosome Y.

Les chiffres sont éloquents : 88% des hommes n’ont jamais subi de comportements déplacés dans l’enceinte de HEC, contre… 32% des femmes. Evidemment, plus l’acte est grave, moins de femmes sont concernées, mais il semble néanmoins frappant et choquant que 12% des filles déplorent avoir déjà subi des mains baladeuses sur des parties intimes. Les formes du sexisme ne sont donc pas simplement idéologiques, ce n’est pas simplement une perte d’opportunités pour certaines assos ou des rumeurs/remarques déplacées (47% des femmes en ont déjà subi), ce sont aussi de vrais actes, certainement encouragés par l’alcool (ce qui n’est absolument pas une excuse, bien évidemment).

Enfin, et c’est là le plus grave, 1% des filles ont dit avoir subi un viol. Ces deux affaires, n’ont a priori pas fait beaucoup de bruit – peut-être parce que les victimes ne voulaient pas en parler, peut-être parce qu’elles auraient aimé le faire mais qu’elles ont eu peur de briser une forme d’omerta. Ces cas peuvent en cacher d’autres, notamment parmi les NSPP, car exprimer un tel traumatisme peut être particulièrement difficile au sein d’un sondage.

En plus de cela, les commentaires entendus à HEC sur la sexualité féminine sont considérés par plus de la moitié des hommes comme des femmes sondés comme plus salissants ou humiliants pour les femmes que la moyenne en France. Cela rappelle potentiellement certaines assos de sport, dans lesquelles les 1A sont parfois sommés de raconter leurs choppes à l’équipe, dans des témoignages réputés souvent peu flatteurs à l’égard des concernées, et véhiculant une image et une réputation ternies pour certaines. En lisant ces résultats, l’auteur de ces lignes se rappelle aussi le TVH1 de l’année dernière, particulièrement dégradant pour l’image de la sexualité féminine, vue par beaucoup d’interviewés comme une sorte de passivité salissante, et dans lequel à aucun moment le micro n’avait été passé à une femme pour qu’elle décrive « ce qu’elle ferait » à un mec. Mais enfin, l’auteur de ces lignes ne s’attardera pas plus sur le TVH1 de l’année dernière ou sur les chattes fraiches, et salue une nouvelle fois le caractère adouci des TVH suivants (dans une dynamique qu’il espère voir perpétuée cette année avec les nouveaux membres de l’asso), ou l’abandon des chattes fraiches, à l’heure actuelle, il n’est certainement que peu constructif de s’attarder dessus outre-mesure : ces données sont explicatives de la perception importante du sexisme à HEC, mais elles n’ont pas vocation à recréer des situations sexistes.

La corrélation sur l’année d’études présente aussi un véritable intérêt : les L3 sous-estiment systématiquement la fréquence et la gravité des faits par rapport à leurs aînés, alors même qu’ils se disent aussi féministes qu’eux : soit il y a réellement une amélioration de la situation en cours, soit tout simplement l’absence de scandale majeur de sexisme marquant cette année les conduit à voter sans avoir ces scandales à l’esprit, et donc à considérer que les actes sexistes sont moins graves et fréquents.

Au total, le sexisme à HEC Paris ne revêt pas selon l’expérience empirique tous ses attributs habituels, l’on peut considérer que le harcèlement de rue est moins important sur le campus qu’en dehors, que les filles se sentent en moyenne nettement plus en sécurité la nuit sur le campus qu’en dehors, … ; néanmoins, il se révèle par des actes sexistes allant de paroles à des crimes, ainsi que par une image globalement détériorée de la sexualité féminine et d’un deux poids, deux mesures en ce qui concerne la richesse de la vie sexuelle des unes et des autres (au masculin).

Par certains aspects, les perspectives pour l’avenir de la condition de la femme sur le campus semblent encourageantes : certaines traditions sexistes commencent à tomber, et la situation actuellement est certainement nettement plus vivable qu’à l’époque de Sortie Vauhallan. D’autre part, alors que les L3 se disent aussi féministes que les plus vieux, ils décrient beaucoup moins HEC comme sexiste, ce qui peut soit être lié à l’absence de scandale sexiste majeur cette année, soit à une forme d’ignorance et de candeur, soit à une réelle amélioration de la condition des femmes sur le campus. Cette tendance laisse au moins présager de l’espoir. Certaines initiatives comme HFE, association dont l’objet est la promotion de l’égalité des genres, jouissant d’un bon recrutement cette année pourraient aussi être aider la cause, et symboliser une évolution vers ladite égalité.

Témoignages : paroles d’étudiants

QPVHEC a souhaité laisser la parole aux étudiants et aux étudiantes de HEC. Ceux-ci ont été invités à témoigner anonymement en envoyant un message privé à notre avatar Facebook. Ces témoignages, qui n’engagent que leurs auteurs, sont retranscrits avec exactitude ci-dessous.

Témoignage n°1 : Je suis une femme en Master 1, parcours Grande École. Le campus demeure selon moi sexiste à cause de l’esprit que perpétuent certaines assos, et cela passe souvent par les traditions (d’où le pourcentage élevé de 80%) : notamment chez les hommes (RCH, CF), on incite les hommes à se comporter comme des primates avec les filles, à les juger comme un trou, et c’est la compétition à « qui se fera cette fille la plus vite ». Les traditions du style « faire un powerpoint sur la fille avec qui j’ai couché » ou celle de « la chatte fraiche » (ie les garçons doivent tous essayer de chopper une fille ciblée en amont) ne font qu’aggraver le coté sexiste et malsain du campus. J’ai déjà observé des comportements sexistes de nombreuses fois : mains aux fesses non consenties, baisers forcés en POW (par un zinqueux du CF, combo gagnant), etc. Une de mes potes a raconté qu’en after après un POW, un 2A (quand on était en 1A l’année dernière) lui avait tenu la tête pour l’embrasser alors qu’elle essayait de se dégager, et après être tombée parce qu’elle était ivre, il s’est mis sur elle et à commencer à la frotter, et à encore lui tenir la tête pour l’embrasser. L’administration ne peut pas faire grand chose malheureusement, à part sanctionner les personnes quand les faits sont reportés. Mais ces choses sont rarement dénoncées car les filles ont peur, peur d’être jugées, peur des répercussions que ça peut avoir sur leur propre réputation. C’est aux étudiants de savoir les limites du consentement et de ne pas se comporter comme des moutons en POW, à entrer dans une compétition de la choppe

Témoignage n°2 : Je suis étudiant en L3. En regardant les résultats de l’enquête QPV sur le sexisme à HEC, je n’ai été qu’à moitié surpris : ces résultats correspondent bien à notre époque contemporaine dans laquelle il est de bon ton de stigmatiser la gente masculine en proférant qu’il existe un sexisme ambiant dans lequel les femmes en général (donc potentiellement toutes les femmes) seraient opprimées. HEC n’échappe donc pas à la règle. Seulement, mon expérience sur le campus me montre l’inverse à bien des égards. Dans la quasi-totalité des associations, on retrouve des femmes membres du bureau, donc à des postes dirigeants, certaines équipes sportives sont mixtes, lorsque ce n’est pas le cas (club foot ou RCH par exemple) il y a toujours une relation cordiale entre filles et garçons, qui viennent s’encourager lors de tournois, comme cela a été le cas à la coupe de l’X. Cette année encore, on retrouve beaucoup de filles présidentes ou à des postes clés dans les listes aux élections BDE, BDA et JE. Si ce campus était réellement machiste, il relèguerait les femmes au second plan, or elles sont assez, voire très visibles. En ce qui concerne les cours, je n’ai jamais entendu de remarques sexistes d’un professeur ou d’un élève à l’égard de la gent féminine. Ce qui dérange fondamentalement la majorité qui se dégage de cette enquête est la part des traditions à HEC. Selon moi, le fait par exemple que le bar de l’école ne soit pas mixte à une exception près n’a rien de choquant : le Zinc récompense notamment ses clients les plus fidèles, et comme peuvent en témoigner les relevés Lydia du bar, les garçons font la course en tête, il est donc logique, parce qu’ils sont des habitués, qu’on leur propose en fin d’année d’en être des membres. Par ailleurs, je n’ai jamais entendu depuis la rentrée la moindre fille se plaindre du fait qu’il lui soit impossible d’être au Zinc, il n’y a donc aucun « plafond de verre ». Et pour les autres, il y a toujours la possibilité de boire ailleurs. Ce qui m’a heurté à la lecture de l’enquête est le pourcentage d’étudiants qui pensent que le RCH et le Club Foot sont les principaux responsables du sexisme sur le campus, alors que leurs membres (au rugby du moins) ont pour réputation de ne pas se mélanger avec le reste de la promotion. Qu’on les accuse de sectarisme, je peux l’entendre, mais de sexisme, non. Ces critiques émanent sûrement du comportement de certains éméchés lors des soirées de la semaine, et lorsqu’il y a des abus, et il y en a, ils sont tout à fait regrettables. Mais je voudrais aussi rappeler qu’à ces soirées, nombreuses sont les filles qui, alcoolisées ou pas d’ailleurs, viennent uniquement pour choper sans parfois tenir compte du consentement ou du fait que le garçon en face d’elles soit éventuellement en couple. J’ai vu à plusieurs reprises certaines filles insister assez lourdement pour embrasser certains de mes amis lors de ces soirées en dépit d’un refus explicite, or ces faits passent inaperçus sur le campus car l’on ne regarde que d’un côté, ce que je trouve extrêmement dommageable car ce climat nauséabond revient à stigmatiser les hommes, et en particulier ceux qui jouent au rugby, au foot ou les habitués du Zinc. Schtroumpfette SCHTROUMPFETTE

Témoignage n°3 : Je suis un étudiant en VM. Les résultats de l’étude ne m’étonnent pas. Évidemment que le campus est sexiste et, comme le soulignent les participants, particulièrement en ce qui concerne les traditions et les clubs de sport exclusivement masculins. Le Zinc est un espace dédié à la beauferie, et ceux qui cherchent à justifier l’absence de femme derrière le bar omettent sciemment l’atmosphère oppressante qui y règne. Comme au POW, les filles sont des bouts de viande à choper. Les clubs masculins sont eux non seulement machistes, comme en témoignent les nombreux Excel d’une misogynie crasse qui y circulent, mais véritablement dangereux et prédateurs. Beaucoup d’entre nous connaissent la technique de la « chatte fraiche » au foot, dans laquelle des gardiens, défenseurs, milieux de terrains et attaquants unissent leurs « talents » pour successivement garder, alcooliser, isoler puis honorer une fille que l’on peut difficilement qualifier de consentante. Enfin, l’administration, tout comme elle le fait en ce qui concerne l’alcool et les bizutages, ferme les yeux, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à « superviser et surveiller » ces agissements d’un œil amusé.

Témoignage n°4 : Je suis une fille, en deuxième année à HEC. J’ai fait une licence donc le campus ça me connaît un peu ! De manière globale, tant dans mes associations ou dans mes cours, je ne trouve pas que le campus soit très sexiste. Du moins c’est mon ressenti, dans le sens où on ne m’a jamais fait de remarques sur mon incapacité à faire certaines tâches, sur ma manière de parler, de m’habiller, etc. Si on prend l’exemple des campagnes, tout le monde met la main à la pâte de manière indifférenciée, et ce même si les filles font plus souvent partie du pôle bouffe et les gars du pôle logistique. Parce que, oui, à la fin des dîners, tout le monde désinstalle et tout le monde fait la vaisselle. Au niveau des postes au bureau et des responsabilités, la parité s’impose, et ce n’est pas plus mal. À ceux qui diraient que l’année passée au BDE, il y avait trois prezs mecs, effectivement, mais cette année au BDA c’est trois prezs filles, il n’y a pas forcément de sexisme à voir là dedans, c’est seulement que les choses se font d’elles-mêmes. Je sais bien aussi que la question principale est celle des clubs de sport, et pas vraiment celle des autres assos (le sexisme chez HEC Italia ou chez APB, on le conçoit moins facilement). Personnellement, je suis au Club Hand, je ne pourrai donc pas vous parler des deux autres sports qui sont souvent en ligne de mire. La philosophie du club, sûrement partagée par d’autres, est celle de la mixité, de l’égalité entre les membres. Un Gros ou une Grosse c’est avant tout un joueur, qui aime la mousse, la bonne bouffe, et passer du temps avec ses potes. Les traditions sont les mêmes pour tous, les week-ends se font ensemble, l’intro aussi, le physique du lundi soir également, et des matchs mixtes de temps à autres. Enfin, au moment des soirées, je pense qu’on peut remarquer des comportements sexistes, dans les deux sens d’ailleurs, et que l’alcool n’aide pas. Pour ma part, je n’en ai pas vécu de très marquants : je ne bois pas (du tout) donc je vois pas mal de choses. Personne n’a essayé de me faire faire quelque chose contre mon gré, je parle de choppe, de danse plus « intime », de geste déplacé (sauf une main aux fesses mais je pense que le coup de coude dans les côtes lui a fait comprendre son erreur). Effectivement, certains (ou certaines mais c’est plus rare) profitent de l’alcoolisation des autres pour chopper ou plus, ce qui est très condamnable. J’aimerais aussi notifier le fait que les mecs reçoivent une plus forte pression à boire que les filles en soirée ou au cours des intronisations, mais aussi pour les limousins. Il y a encore à faire à ce niveau là, et je ne sais pas si l’admin y peut grand chose. Ils font déjà quelques amphis de prévention mais personne ne les prend au sérieux… Je conseillerais donc, pour commencer, de boire un peu moins ? Même si bien sûr l’alcool ne justifie aucun écart de comportement. Parce que, c’est malheureux, mais en buvant tu deviens une target, une fille plus facile à aborder, et c’est horrible de se dire qu’il faudrait éviter de boire pour se « protéger ». Dans les faits c’est vrai, c’est un problème de fond et je ne sais absolument pas comment aller contre cette mentalité. Ne buvant pas, justement, je reçois une forme de « respect », je ne sais pas comment formuler ça, mais on ne m’embête pas… Donc je comprends que certains considèrent le campus comme sexiste, mais au niveau des traditions je comprends moins l’importance du résultat du sondage, dans le sens où ce n’est pas mon ressenti profond. Cela vient peut-être de l’image du Zinc : à l’exception d’une fille, ce ne sont que des gars qui tiennent le bar et sont habillés en noir, comme le veut la tradition. Moi ça ne me dérange pas le moins du monde. C’est aussi peut être le comportement de certains membres de certaines assos qui « pourrissent » la réputation de celles-ci. Néanmoins, je ne pense pas que les traditions des différents clubs et assos soient fondamentalement sexistes, à part quelques unes qui sont drôles a priori mais assez malsaines. Ceux qui connaissent ça pourront sans doute le dire mieux que moi !

Témoignage n°5 : Je suis un homme, actuellement en césure. Précédent mon témoignage, on m’a indiqué que 57% des filles et 39% des garçons qualifiaient le campus d’HEC de sexiste. Ces chiffres montent à 80% et 62% en ce qui concerne les traditions à HEC. Cela ne m’étonne pas. Moi-même, j’ai tout de suite trouvé à mon arrivée sur le campus une atmosphère beaucoup plus propice à cela. Avant tout, question définition, le sexisme est la discrimination fondée sur le sexe de quelqu’un. Je tiens à préciser que selon cette définition, je ne trouve pas le campus sexiste : mis à part le cas du Zinc réservé aux hommes, rien dans le campus est inaccessible à un sexe et exclusif à l’autre. Cependant, la catégorisation et le traitement de l’autre sexe (homme envers les femmes) comme étant des proies plutôt que des égales est assez frappant. Les filles perçoivent plus cela que les garçons : est ce un déni de réalité pour les hommes ? Est ce que ces comportements ne les choquent pas ? Effectivement, les traditions véhiculées par certains groupes (le sport notamment) pousse à des comportements déplacés. J’ai moi-même vécu des comportements sexistes dans le cadre du sport. Pour avoir l’agressivité nécessaire aux compétitions, il a fallu se rendre plus « homme », trouver la violence que l’on a en soi et qu’on muselle depuis notre propre enfance. Cela signifie par exemple fermer sa gueule sur ses émotions ou encore assumer mater les filles ouvertement (acte encouragé par les entraîneurs eux même, afin de se comporter plus comme des « mâles alpha », je suppose) etc… Bon pour le jeu, moins bon pour certaines situations telles que les débordements en POW où l’on voit des « combats de coqs » à qui veut montrer qu’il a la plus grosse (toujours ridicules). Je me suis fait beaucoup de potes mais pas d’amis grâce au sport : personne à qui parler de choses plus intimes par exemple, car cela n’est pas assez viril pour mériter l’oreille d’un camarade. J’ai également observé des comportements sexistes : le scandaleux 1er TVH de l’année 2017-2018 qui voyait certaines filles huées par les spectateurs lorsqu’elle passaient à l’écran : « puteeeeeeuh » (sic). Les réputations également : un commérage affreux, véhiculé par de nombreux puceaux qui préfèrent cracher à la gueule de filles qui ont une sexualité libérée et qui, in fine, jalousent les « champions » qui ont serré lesdites filles. Une compétition apparaît, malsaine, où la fille est objet et où cela semble normal de se choper totalement allumés en POW, avec les potes qui prennent les photos à coté (a-t-on 5 ans ?). Une pression également qu’impose les 2As dès l’arrivée sur le campus : on nous dit de se démaquer, histoire de « chasser » pour la gloire du club. Bref, oui, des comportements choquants, il y en a. Le pire dans tout ça ? Chaque individu pris à part est intelligent et – je pense – pas misogyne. Mais l’esprit de groupe et l’envie d’avoir la reconnaissance des autres transforment en de parfaits débiles ces mêmes mecs. Les gars en viennent même à cracher sur la création de HFE (pourquoi ? Toutes les écoles ont un tel club, ou presque), sans doute car ils sentent la fin de leurs traditions chéries arriver. Enfin je pense que l’administration doit être absolument intransigeante quand des cas lui sont rapportés, pour peu que les preuves soient suffisantes, bien entendu. A part ça, éventuellement faire des campagnes contre le sexisme : dans certaines écoles, il y a des autocollants devant les urinoirs pour casser les phrases classiques sexistes du genre « elle n’a qu’à s’habiller autrement » (efficace, je ne sais pas, mais au moins ils essaient). Enfin je pense que beaucoup de traditions et habitudes (que l’on protège sous prétexte que « ça a toujours été comme ça ») doivent mourir et mourir vite pour éviter un scandale de sexisme sur le campus comme on a pu le constater pour l’EM Lyon cet été. Ce campus est en ce point totalement arrière-gardiste et doit se moderniser, pour le bien des filles comme des mecs. Ainsi se pose également la question des répercussions sur le long terme : les futurs dirigeants regarderont-ils leurs égales comme des proies à leur tour ? Les femmes diplômées d’HEC craindront-elles le jugement de leurs homologues masculins quant à leur vie sexuelle, quelle qu’elle soit ? Ou la césure et le monde du travail feront-ild mûrir les cerveaux bien lavés par 2 années passées sur le campus ?

Témoignage n°6 : Je suis étudiant en VM. Parmi les 705 répondants, 57% des femmes et 39% des hommes qualifient le campus de sexiste. J’aimerais insister sur deux éléments mis en évidence par ces chiffres. D’une part, tous les étudiants n’ont pas conscience du sexisme prévalant sur le campus, soit parce qu’ils n’y sont pas exposés, soit parce qu’ils ne le considèrent pas comme tel. Il faut pourtant prendre conscience : les résultats de ce sondage ou les exemples qui suivront devraient suffire. D’autre part, les femmes sont davantage exposées au sexisme que les hommes. Si nous souhaitons prendre conscience en tant qu’hommes, j’aimerais ici insister sur la notion de confiance : refuser un comportement sexiste sensé m’intégrer demande de la confiance en soi, admettre que mon pote a merdé hier soir et lui en parler demande de la confiance en lui, écouter une amie me confier en larmes qu’elle a été victime d’une agression sexuelle demande d’être digne de confiance. Sans confiance, peu de choses changeront. Parmi les 705 répondants, 80% des femmes et 62% des hommes qualifient les traditions de sexistes. Cette statistique est à double tranchant. La bonne nouvelle ? Les traditions sont les vestiges des années passées et le fait que le campus soit jugé moins sexiste aujourd’hui que les traditions témoigne d’un progrès depuis quelques années, comme le montreront sans doute les résultats promotion par promotion. Certains exemples concrets sont la disparition du traditionnel lâcher de chiennes sur le mur de promo des 2A ou la disparition de SV, qui trashait anonymement les 1A sur telle ou telle chope, brisant réputation et image de soi. La mauvaise nouvelle ? Des traditions archaïques, qu’une majorité d’étudiants considère sexistes, continuent d’affecter le campus aujourd’hui, notamment dans les clubs sportifs masculins. Pour prendre un exemple soft, des 1A issus de prépa en moins bonne condition physique sont féminisés ou plus largement dévirilisés jusqu’à ce qu’ils se montrent à la hauteur de leurs ainés. Qu’il faille progresser sportivement est une chose, mais le faire aux prix d’une image dégradante de la femme et d’une nécessité pour l’homme de prouver sa virilité pour s’intégrer en est une autre. La conséquente substitution de recherche d’approbation à une quelconque réussite sportive mène non seulement à des résultats décevants en compétition, elle mène à des conséquences graves en pow. Dès lors, comment faire progresser les choses ? Les réactions observées lors des scandales de l’année dernière (TVH, au bonheur des zoulettes) me semblent presque aussi déplorables que les actes ayant fait scandale. Effectivement, l’ensemble des étudiants du campus se sont mis à condamner d’un coup des personnes et non des actes : « c’est un gros sexiste » VS « non je suis son amie et assure qu’il est un homme respectueux ». Arrive l’administration : « CONSEIL DE DISCIPLINE ». Par conséquent, soit l’étudiant responsable était condamné avec le sentiment de ne pourtant pas être sexiste, soit il s’en sortait déclaré non sexiste mais également dédouané pour l’erreur commise. Dans les deux cas, il n’y avait aucune place pour une remise en question et progression. Si nous pouvions donner un conseil à l’administration, il s’agirait donc d’établir des sanctions plus constructives : écrire une lettre à sa copine/sœur/amie expliquant pourquoi elle a grand intérêt à accepter une invitation comme le bonheur des zoulettes, voire travailler quelques jours avec une association accueillant des femmes victimes d’agressions sexuelles sont autant de sanctions faisant davantage réfléchir l’accusé que justifier en quoi il n’est pas sexiste pour ne pas être viré. Cependant, mon humble avis est que ce ne devrait pas être à l’admin d’agir sur ce genre de questions : nous sommes des adultes, agissons comme tels. Si les traditions posent problème, ne cherchons pas à lyncher ceux qui les perpétuent naïvement par manque de confiance en soi, bêtise ou simple inconscience. Cherchons plutôt à faire réfléchir nos potes. Ce que nous aimons aux traditions n’est pas recevoir l’approbation d’un groupe de 2A grandes gueules frustrés à la moelle, ni même de constamment devoir se prouver. Ce que nous aimons aux traditions, c’est avant tout le fait de se marrer avec nos potes. Cela demande de la créativité, mais il y a une place pour le faire sans blesser autrui. 1A, refusez les comportements que vous n’accepteriez pas ailleurs ou dont vous auriez honte devant les femmes que vous aimez. 2A, transformez ce qui vous semble injustifié. Les traditions que vous connaissez n’existent que depuis quelques années, créées par des étudiants comme chacun d’entre nous, mais sur un campus alors inconscient des souffrances qu’elles provoqueraient. Osez les changer.

Témoignage n°7 : Je suis une étudiante de L3. Les chiffres concernant le sexisme à HEC ne sont absolument pas surprenants, j’étais même intimement convaincue qu’ils seraient plus élevés concernant le sexisme sur le campus. Je pense que ce problème est lié à deux acteurs : premièrement en partie de nos homologues masculins; remarques acerbes (il a été proposé à certaines de choper pour intégrer plus facilement une association), comportements très limites que ce soit sur le campus cette année ou aux soirées pendant les oraux, durant lesquelles nombre d’entre nous se sont déjà vu forcées de se rapprocher, d’embrasser quelqu’un (voire plus), contrainte par la force ou une certaine pression psychologique : les « Que dira t-il à ses amis si je refuse ou je dénonce? » ou autres « Ne serai-je pas blacklistée de toutes les associations? » me semblent malheureusement rythmer la vie à HEC. Cependant, les seconds acteurs à accuser semblent être ces victimes elles-mêmes. De la même manière que Simone de Beauvoir dénonce l’impassibilité des femmes face à leur condition, « Les femmes s’attachent avec un zèle ou l’arrogance se mêle à la rancune à reproduire les femmes », rien n’empêche chaque étudiante victime de ce genre de comportements de témoigner, dénoncer, parler afin de faire changer ce triste constat. Ayant déjà entendu cette minorité crier, protester, et témoigner je peux vous assurer que face à de telles histoires tout le monde éprouve respect, colère et s’unit à la cause. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit du ressort de l’administration d’agir en ce sens, et il serait bien triste que les choses changent grâce à une pression extérieure bien éloignée des mentalités qui tiendront les rênes de la France dans quelques années.

Témoignage n°8 : Je suis de genre féminin, et étudiante en L3. Je suis assez surprise par l’écart significatif entre perception de sexisme dans la vie du campus en général et perception du sexisme dans les traditions plus spécifiquement. Je pense que cela vient du fait que la prise de conscience du sexisme n’est que progressive et loin d’être achevée : si les comportements sexistes les plus criants sont remarqués pour ce qu’ils sont, le sexisme ordinaire passe plus souvent inaperçu et demeure relativement banalisé. Je suis souvent témoin de comportements de sexisme ordinaire à HEC, qui la plupart du temps ne suscitent même pas de réaction. Les plus fréquents sont les remarques sexistes presque banales, glissées au milieu d’une conversation, témoignant d’une vision très réductrice des filles (par exemple lorsque, alors que je mentionnais une élève de HEC à propos de son parcours scolaire, mon interlocuteur m’a spontanément répondu que cette fille s’était vraiment « améliorée » depuis qu’elle était à HEC car elle avait « perdu beaucoup de poids »). Ce genre de propos, tenus par des garçons comme par des filles, reflète une tendance à considérer les filles avant tout à partir de leur physique, voire à les réduire à un simple objet de conquête. Il me semble que l’administration pourrait largement améliorer sa prise en charge du problème. D’une part, le problème du sexisme paraît être complètement ignoré : il n’a quasiment pas été évoqué au cours des pourtant innombrables et interminables conférences de début d’année. On pourrait par exemple parler des interlocuteurs à qui les victimes de comportement sexistes peuvent s’adresser, ainsi que des sanctions prévues à l’encontre des auteurs de tels comportements. Par ailleurs, les initiatives de l’administration sont souvent très maladroites, voire véhiculent elles-mêmes des stéréotypes franchement sexistes (souvenir ému du mail de HEC Alumni vantant les mérites d’un atelier « Diriger comme une femme » qui promettait d’apprendre à diriger avec les « valeurs féminines » telles que la « douceur »).

Témoignage n°9 : Je suis actuellement étudiante en M1. Les résultats ne me surprennent pas tant que ça. Je pense que le campus en lui-même, les gens qui le composent, ne sont pas foncièrement sexistes, mais que les traditions du CF et du RCH le sont en partie. Je pense que l’administration ne peut pas faire grand-chose de plus que les conseils de discipline qu’elle a menés actuellement, c’est des traditions internes à chaque association qu’il est difficile à contrôler. Je ne suis pas spécialement féministe, je trouve qu’on en fait parfois trop sur plein de trucs et qu’on a tendance à s’offusquer pour tout aujourd’hui, certaines traditions (la présence d’une seule fille au Zinc, les chants d’asso etc) ne me posent pas de problème, mais d’autres dépassent les limites du respect. Ceux qui suivent ces traditions, imaginez que l’on fasse à votre meilleure amie, votre copine, votre sœur ou votre mère ce que vous faîtes aux filles d’HEC. Mais plusieurs pratiques sont en train de disparaître donc j’ai bon espoir que ça s’améliore nettement dans les années qui viennent !

Témoignage n°10 : Je suis étudiant en L3. La différence de perception entre filles et garçons ne m’étonne pas ; ces derniers ont tendance à ne pas percevoir le sexisme autour d’eux, voire à ne pas se rendre compte qu’ils le pratiquent. Je trouve pour ma part que le campus présente des caractéristiques sexistes, mais qu’il ne l’est pas dans son intégralité. Ce sexisme est associé à certains aspects ou « milieux », associations sportives notamment. Le problème semble venir de prétendues traditions, mais aussi d’un manque de conscience de ce qu’est le sexisme : ce qui en relève, et surtout l’importance que cela revêt, puisqu’il est souvent ignoré, minimisé ou excusé (c’est une tradition, c’est une blague, etc.) L’administration devrait ouvrir les yeux sur les comportements sexistes, les interdire, les punir (articles misogynes, pratiques sexistes dans les assos sportives), mais surtout communiquer et éduquer : donner des conférences sur le harcèlement ou le consentement, distribuer des guides de conduite respectueuse… Je pense que c’est avant tout une question d’éducation et de prise de conscience, ce qui est valable aussi bien pour les filles qui subissent que les garçons qui sévissent.

Témoignage n°11 : Pendant tout le premier semestre de l’année dernière, j’ai pu ressentir sur le campus d’HEC une ambiance sexiste et misogyne, voire violente, à travers différents évènements. Différentes associations du campus, Club Foot, RCH, Zinc, videcom, véhiculent à travers leurs « traditions », une atmosphère malsaine et humiliante, de masculinité toxique, qui sous prétexte de les souder, ou tout simplement de trouver ça marrant, trouvent normal de dégrader et dénigrer une bonne partie des gens vivants sur ce campus.

La violence de certains individus, par les mots ou les coups, dans les Excels du rugby, les chattes fraîches du foot, les TVH de Videcom, sur les IS au Zinc, sur n’importe qui en POW, est justifiée par « Il était bourré, c’est rien », « C’est les traditions, c’est pour souder les 1A », et autres phrases hallucinantes, qui avant d’être à HEC, en auraient révolté plus d’un, j’en suis sûre. Facile de parler de « traditions » quand ces traditions ne leur posent aucun problème, voire les arrangent. Si on avait toujours raisonné comme ça, on serait resté à un stade assez primitif de l’humanité.

Cette espèce de pseudo toute puissance qu’arborent certains sur ce campus, dès qu’ils sont dotés d’un pauvre pull d’asso qui leur profèrent des privilèges imaginaires, ne vaut, il est bon de le rappeler, rien dans la « vraie vie », et d’ailleurs rien à HEC non plus. Redescendons.

Il est cependant à noter que nombre de ces traditions d’un autre âge ont désormais disparu sur le campus (même si on ne compte toujours qu’une seule fille au Zinc, la « maman » du Zinc… ambiance), que les TVH se seraient apparemment nettement adoucis en fin d’année, que les chattes fraîches ont aux dernières nouvelles disparu, ainsi que les Excels. On ne peut qu’espérer que les progrès entamés continuent, et qu’ils se généraliseront, afin que tout le monde puisse vivre sa propre vie sereinement et s’épanouir à HEC, sans avoir l’impression d’être dans un mauvais teenage movie américain, où les grosses brutes débiles violentent et humilient des gens qui n’ont rien demandé.

Compléments

Matrice de covariance

Une réflexion au sujet de « QPV#10 Sexisme »

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